Une année au... Viêtnam

Vous voulez une image de ce que peut vivre le Vietnamien citadin de classe modeste? Vu l'option que j'ai prise dans mon forfait voyage (fais-moi rire), je vis comme tout un chacun ici, dans les memes conditions materielles. Et ca va, on s'adapte (je suis quand meme parti de Suisse parce que le bonheur est ailleurs que dans les biens materiels) et le Vietnam a beau etre encore en developpement, c'est tres loin d'etre la misere. On est juste loin de la societe de consommation et de son abondance de biens (je sais, il y a aussi des pauvres en Suisse mais ca, on en reparle a mon retour...).

A propos de biens materiels, le moyen de transport individuel de base, ici, c'est la moto. Petite a moyenne cylindree, avec tout un parc de vieilles motos d'occasion robustes (c'est pas la frime qui frappe beaucoup ici). On est encore loin de la moyenne d'une voiture par adulte... Perso, j'ai choisi le velo qui demande moins d'entretien, fait faire du sport et n'est pas gourmand en essence ou en huile. Bus et velo, ca c'est une question de tradition familiale. A propos de bus, le reseau en ville d'Ho Chi Minh est dense et efficace, presque plus qu'a Geneve.

Ce qui me marque, pour l'instant, c'est l'absence d'eau chaude et la non-proliferation des machines a laver le linge. Ce qui fait que je me lave, comme tout le monde, a l'eau froide (pas agreable, meme quand il fait chaud!) malgre le pseudo chauffe-eau unique des douches des benevoles (un luxe). Je fais egalement maintenant ma lessive a la main et a l'eau froide. Les Vietnamiennes se levent a 5h du matin pour faire leur lessive a la main et pour suspendre afin que cela seche d'ici au soir. Et tant pis quand il pleut ou qu'il fait gris... Et je viens d'apprendre que l'eau courante n'est pas encore arrivee dans les faubourgs de Saigon donc citernes sur tous les toits.

Les repas sont bons et on a meme frequemment de la viande. Par contre, tres souvent aussi, par mesure d'economie, il y a du poisson (tete, queue ou entre les deux) ou des parties moins prisees du porc comme le lard, la peau et les oreilles coupees en fines lamelles. Mais bon, il faut se faire plaisir et une partie du budget va pour sortir avec les amis et manger des bonnes choses comme de la chevre grillee, des oeufs de canard ou la fameuse crepe saigonnaise (banh xeo pour les connaisseurs...).

Il y a quand meme 2 choses que l'on peut considerer comme du confort, c'est le frigo commun des benevoles (les frigos ne font pas l'unanimite ici) et le climatiseur dans ma chambre que je n'utilise qu'en cas d'extreme necessite. Nous sommes aussi parmis les rares privilegies du quartier a avoir une generatrice (dimanche passe, coupure generale du quartier toute la journee, grosse chaleur sans ventilateur...).

Sinon, adaptation faite, les petites choses prennent beaucoup de valeur. Je ne parle pas d'amitie, de partage ou d'aller faire la fete avec des gens trop gentils, cela va de soi quand on manque du reste, je parle des petites choses materielles qui ameliorent le quotidien. Ainsi, autant a mon anniversaire qu'a la fete des professeurs (voir la rubrique "les fetes, officielles cette fois"), j'ai recu des cadeaux. Et dans les conditions actuelles, une paire de sandales, un polo ou une chemise sont des cadeaux somptueux. Un paquet de cappuccino soluble importe avec sa dosette de chocolat en poudre est une tres touchante attention et un ensemble shampooing-savon-deodorant egalement.

Avec un petit salaire moyen Viet (vous pensez bien que pour une annee de benevolat je ne peux pas avoir un grand train de vie), je me sens a niveau. Et je crois que je suis reconnaissant de ne pas avoir plus, ca evite de se sentir mal a l'aise ou courtise a mauvais escient et ca permet de ne pas convertir en francs Suisses les depenses. Je sais que le taxi est hors de prix pour moi, comme pour beaucoup de gens, que 3 paires de pantalons reste une depense exceptionnelle qui fait un gros trou dans le budget et on songe a changer de marque de cigarettes parce qu'elles augmentent dangereusement. Sans trop m'avancer, je peux dire que c'est le lot de beaucoup de citoyens de classe moyenne en ville (la campagne c'est autre chose mais je ne sais pas alors je me tais). Finalement, le gros du budget c'est sortir, manger et boire avec les amis, les cigarettes, des fruits et les cadeaux d'anniversaire. Le reste (CD, DVD, MP3, excursions, cinema, jeux videos, balades en moto, nouveau telephone, livres et j'en passe) est quasi inexistant mais pas besoin, on a les amis. Et toujours, si tu n'as plus de sous, un de tes amis prendra l'addition, sans poser de question. Jamais seul, jamais faim, jamais sans clopes...

A travailler 6 jours par semaine, entre 7 et 8 heures et sans perspectives de vacances en dehors des 2 semaines autour de Nouvel-An lunaire, je suis egalement dans la moyenne. Ceci en excluant ceux qui cumulent 2 jobs, travaillent la nuit, dehors ou font des petits boulots penibles. Heureusement il y a toujours les amis pour sortir, manger et, des fois, boire. Sans ca ce n'est pas une vie.

Voila, j'espere que vous pouvez vous faire une idee plus precise de ce que peut vivre la tranche de la population vietnamienne a laquelle je me suis, j'espere, integre. 

S'integrer au lieu de regarder de loin est un choix et c'est celui que j'ai fait pour cette annee, avec pleine satisfaction.

Bon, vu la cuite monumentale a l'alcool de riz d'avant-hier soir, je crois que je vais aller me coucher...